Des votes et des votes... L'échec du référendum

Le 25 octobre dernier rassemblait le peuple uruguayen, appelé à voter à l'occasion des élections présidentielles. Lors de ce vote, en dehors du vote électoral à proprement parler, étaient soumis au vote des citoyens deux référendums: le premier visait à donner (ou non) le droit aux uruguayens résidant à l'étranger de voter (un vote consulaire ou épistolaire) aux élections présidentielles, droit dénié jusqu'à présent. Le deuxième, portant sur l'annulation de la Loi dite de Caducité de la prétention punitive de l'état, dite loi de "Point final" ou "d'impunité". Cette loi "extorquée" au Parlement par l'autorité militaire à son départ du pouvoir en 1986 a longtemps été interprété de fait par les gouvernements élus jusqu'en 2005 comme une loi empêchant la révision de tous les actes militaires ayant eu lieu pendant la dictature militaire, y compris les actes commis à l'encontre des droits de l'homme (et les tortures, les disparitions et les morts de centaines voire de milliers d'uruguayens) et au delà de tout jugement, comme limitative de la possibilité même d'enquêtes sur ces évènements.

Résultat des votes:

Le Frente Amplio (union des partis de gauche, dont la liste est menée par Mujica et Astori) arrive en tête des suffrage avec plus de 49% des voix. Arrive loin derrière en ballottage la liste de droite "blanche" menée par Lacalle (ancien président uruguayen) qui devra faire alliance avec la troisième liste, son ennemi traditionnel mais de mouvance de droite également, les Colorados menés par Bordaberry, fils du dictateur uruguayen du même nom lors du ballottage du second tour.
La proposition pour l'annulation de la Loi de Caducité ne remporte que 47,36 % des voix: la loi est donc maintenue.
La proposition pour le droit de vote des uruguayens à l'étranger remporte seulement 38 % des voix. Elle n'est donc pas retenue.

Réflexions sur le résultat des deux référendums.

En Uruguay, le vote est obligatoire. Tous ceux inscrits dans les listes électorales et possédant un document appelé la Credencial Civica doivent aller voter, sur le territoire uruguayen. S'ils ne votent pas, au bout de deux ou trois échéances électorales, ils sont rayés des listes, et pour retrouver le droit de vote, la démarche est un peu compliquée. Les uruguayens demeurant à l'étranger, (que ce soit ceux partis pour des raisons politiques pendant la dictature de 1973 à 1985 ou pour des raisons économiques par la suite) n'ont pas le droit de voter s'ils ne se déplacent pas en Uruguay, et s'ils ne veulent pas être rayés des listes ils doivent justifier de leur non vote auprès du consulat, à chaque échéance électorale. Depuis des années, ces Uruguayens expatriés luttent pour une reconnaissance de ce que l'on appelle désormais le "département 20" (Uruguay compte 19 départements ou régions, le département 20 constitue l'ensemble des Uruguayens expatriés) qui apporte beaucoup au pays en soutien économique, mais qui n'a aucune force élective. Cet état de fait est donc appelé à durer, au vu du résultat des urnes.
Ayant la double nationalité, française et uruguayenne, je comprends la déception de tous ceux qui espéraient une issue favorable à ce premier référendum, car on a beau vivre dans un autre pays, on peut toujours s'intéresser et souhaiter participer à la vie d'un pays qui est aussi le nôtre. Je suis déçue aussi, mais bien moins que ceux qui sont nés et qui ont une grande partie de leur vie travaillé et lutté pour l'Uruguay, comme mes parents, mes oncles et tantes, mes cousins aussi, ceux qui ont opté pour l'exil au cours des 8 dernières années, pour des raisons économiques. Beaucoup parmi ceux-ci désiraient ardemment ce droit de vote, car ils pensent toujours revenir s'installer au pays, et de ce fait continuer la lutte là-bas, un jour.

Je suis par contre beaucoup plus affectée par le résultat du vote sur la loi de caducité. Seulement 47,36% des votes ont demandé l'annulation de cette loi inique, par ailleurs déclarée inconstitutionnelle par la cour suprême uruguayenne ce même mois d'octobre (voir ici en espagnol).
Ce résultat me peine, et me met aussi en colère, car je pense qu'il ne représente pas toute la progression qui s'est effectuée au cours des 5 dernières années au sein de la population uruguayenne, en matière de prise de conscience qu'il fallait vraiment un jour remettre tout sur le tapis, regarder le passé en face, et permettre que justice se fasse. Si le gouvernement en place a enfin pu commencer à faire des procès, et qu'une vingtaine de militaires ont pu être jugés (et deux des 3 dictateurs placés sous les barreaux) cela ne représente qu'une goutte d'eau, bien des choses sont à mettre à jour encore. Ma colère ne vient pas uniquement du résultat en lui-même, mais des circonstance de l'aboutissement à ce résultat.
Il faut savoir que dans les deux cas, pour les deux propositions mises en débat le jour des élections, le citoyen allant voter devait : choisir sa liste électorale, puis s'il était en faveur de l'annulation de la loi de caducité, ajouter à son vote un bulletin rose pour le Oui, s'il était en faveur du vote consulaire, ajouter un bulletin blanc.
L'enveloppe contenant le vote pouvait donc recevoir, 1, 2 ou 3 bulletins, correspondant à chaque vote. Par omission, c'est à dire s'il n'a pas exprimé de vote pour soutenir la proposition, le vote du citoyen est compté comme Non, c'est à dire comme opposé à la proposition.
Soit tu votes pour, soit tu ne votes pas et donc tu votes contre.

Je ne comprends pas comment le vote a pu être organisé de cette manière car pour moi cela fausse complètement les résultats: à défaut d'un vote actif pour le non, comme pour le oui, toute erreur, tout oubli, toute incompréhension face à l'enjeu du vote abouti à un compte négatif. Je pense (cela n'engage que moi) que s'il y avait eu, un papier pour le oui, et un papier pour le non, le non ne l'aurait pas emporté. Car aujourd'hui la conscience des uruguayens A progressé et l'expression directe et engagée (par l'acte de mettre un vote NON dans l'enveloppe) aurait été autrement plus "violente" que le non-acte "lâche", ou même inconscient, d'ignorance, comme cela a du se passer je pense dans certaines campagnes de l'intérieur, de ne pas mettre le bulletin dans l'enveloppe.
Déjà, en soi, l'addition des circonstances de vote en un jour fragilisait le résultat des votes: les gens se déplacent avant tout pour voter aux élections présidentielles, tous n'avaient pas forcément compris l'enjeu des deux autres votes. Si chaque vote avait été organisé sur un jour différent, l'enjeu aurait été plus clairement défini...
Que va-t'il se passer aujourd'hui? quel futur pour la lutte dans la défense des droits de l'homme, dans la révision et la mémoire de ce qui s'est passé pendant la dictature? Le peuple uruguayen dit il, ça suffit, on oublie, on arrête? Je ne veux pas y croire.
La révocation de la loi de caducité peut en principe encore se faire, par voie parlementaire. Je ne sais pas quelle sera la position du gouvernement Mujica-Astori (qui devrait vraisemblablement être élu à l'issu du vote du second tour, en novembre). Comme beaucoup d'uruguayens, j'attends donc, convaincue, comme tant de civils et même certains militaires uruguayens, que la reconstruction de la paix et la solidification pérenne de la démocratie uruguayenne passe par la révocation de cette loi. La lutte n'est toujours pas finie.
J'y crois encore.
Maiana

Comments

Anonymous said…
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Anonymous said…
Hola Maiana ,cuando nos ponemos en contacto para trabajar por el Paisito?te mandé mail con mi direccion msn.Abrazo y exitos!!Ah !!me encanto tu saludo de fin de año por you tube!!!jaja!!

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